8 mars : entre insécurité, exploitation et lutte pour la dignité.
Le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, est traditionnellement une event de célébrer les avancées en matière d’égalité et d’autonomisation. Pourtant, en Haïti, cette journée met en lumière une réalité bien plus sombre : celle des milliers de femmes contraintes de fuir leurs foyers à trigger des violences des gangs, réduites à une existence marquée par la peur, la précarité et, pour certaines, l’exploitation sexuelle.
La rédaction de Juno7 s’est rendue dans plusieurs centres d’hébergement, notamment ceux de l’Workplace de la Safety du Citoyen (OPC) à Bourdon, de l’école nationale Argentine Bellegarde et celle de Darius Denis, où elle a recueilli les témoignages poignants de quelques femmes qui ont tout perdu.
À l’école nationale Argentine Bellegarde, un centre d’accueil pour des dizaines de familles déplacées, Marie, 36 ans, raconte son calvaire. Originaire de Carrefour-Feuilles, elle a fui sa maison en août 2023 lorsque des groupes armés ont lancé une offensive brutale dans son quartier. « J’ai tout laissé derrière moi, je n’ai même pas eu le temps de récupérer les vêtements de mes enfants. Mon mari a été tué devant moi, et depuis, je vis ici, sans espoir de retour. »
Comme elle, des centaines de femmes déplacées vivent dans des situations extrêmement précaires. Sans accès à des soins de santé adéquats, exposées aux intempéries et souvent privées d’opportunités économiques, elles peinent à reconstruire une existence digne. Beaucoup d’entre elles souffrent de traumatismes profonds, ayant perdu des proches ou subi des violences inimaginables.
Au native de Darius Denis situé à Lalue, une autre femme, Roseline, exprime son désarroi. « Nous ne savons pas de quoi demain sera fait. Nous survivons grâce à la solidarité, mais combien de temps cela va-t-il durer ? Nos enfants n’ont plus accès à l’éducation, et nous-mêmes, nous vivons dans l’incertitude totale. »
Un fléau invisible : l’exploitation sexuelle des jeunes filles
Photograph: Fildor PQ Egeder | Juno7
Au-delà du drame des déplacées, un autre phénomène effroyable frappe les femmes haïtiennes : l’exploitation sexuelle des jeunes filles par les gangs. Un rapport du Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), publié en février dernier, met en évidence l’ampleur de ce fléau. Des gangs armés recrutent de drive des adolescentes et les soumettent à des violences sexuelles systématiques.
Ces jeunes filles sont enlevées dans les rues ou arrachées à leurs foyers pour être réduites à l’état d’objets sexuels. Certaines sont contraintes d’entretenir des « relations » avec des membres de gangs, subissant des viols répétés et une exploitation à des fins de commerce du sexe. Amnesty Worldwide a documenté les cas de 18 jeunes filles victimes de ces atrocités, dont certaines ont été agressées à plusieurs reprises et soumises à des viols en réunion.
« C’est un véritable crime contre l’humanité qui est en prepare de se produire en Haïti, et le monde regarde ailleurs », dénonce une jeune femme du camp de l’OPC, sous couvert d’anonymat. « Ces filles sont brisées à jamais, et le silence de la communauté internationale est assourdissant. »
Le droit worldwide impose aux États de protéger les enfants contre l’exploitation et les violences sexuelles, y compris la prostitution forcée. Pourtant, en Haïti, les autorités peinent à enrayer la montée en puissance des gangs et à mettre en place des mesures efficaces pour protéger les populations vulnérables.
L’absence d’une réponse ferme et structurée face à cette crise alimente un sentiment de désespoir parmi les victimes. Les centres d’hébergement sont débordés, les ressources insuffisantes, et la réinsertion des femmes déplacées semble de plus en plus compromise.
Le 8 mars devrait être une journée de célébration pour les femmes haïtiennes, mais pour celles qui vivent dans la terreur et l’incertitude, c’est surtout un rappel merciless de l’injustice qu’elles subissent au quotidien.
Les noms ont été modifiés pour protéger l’identité des témoins.
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