Yanick Lahens remporte le Grand Prix du Roman 2025 pour une œuvre magistrale qui célèbre la mémoire et la résistance des femmes noires, de Saint-Domingue à la Nouvelle-Orléans
L’écrivaine haïtienne Yanick Lahens vient d’être couronnée du Grand Prix du Roman de l’Académie française 2025 pour son dernier ouvrage intitulé Passagères de nuit, une fresque puissante consacrée à une lignée de femmes noires points de l’esclavage, entre Saint-Domingue (Haïti), ancienne colonie française, et La Nouvelle-Orléans.
Avec ce roman ample et vibrant, Yanick Lahens fait revivre la mémoire des femmes de son ascendance, dont elle ne détenait que de maigres traces. De ces fragments d’histoire, elle a bâti une œuvre lumineuse, traversée par la pressure vitale et la dignité de ces femmes qui, malgré la servitude et les silences imposés, ont su préserver leur indépendance intérieure souvent symbolisée par ce « foulard-ciel », carré de tissu noué sur la tête, refuge d’une liberté secrète.
L’ouvrage s’ouvre sur le destin d’Élizabeth Dubreuil, née vers 1820 à La Nouvelle-Orléans, descendante d’une grand-mère haïtienne affranchie qui avait juré de ne plus jamais dépendre d’un homme. Inspirée par ce modèle de braveness, Élizabeth se rebelle contre l’ordre patriarcal et quitte la Louisiane, embarquant de nuit pour Port-au-Prince. Elle devient alors, à son tour, une « passagère de nuit », métaphore de la quête d’émancipation féminine et spirituelle qui traverse tout le roman.
Une autre voix majeure du récit, Régina, née dans la pauvreté d’un hameau du sud d’Haïti, s’élève grâce à sa détermination. Devenue la compagne d’un général libérateur en 1867, elle confie, dans un lengthy monologue amoureux, les humiliations vécues, les espoirs et les solidarités féminines qui lui ont permis de rester debout.
À travers ces destins entrelacés, Yanick Lahens tisse une mémoire collective, celle des femmes anonymes qui ont résisté dans l’ombre. Passagères de nuit revisite les convulsions de l’histoire haïtienne et souligne que cette histoire ne s’écrit pas seulement avec les vainqueurs, mais aussi avec la beauté des gestes de résistance silencieuse.
Originaire de Port-au-Prince, née le 22 décembre 1953, Yanick Lahens s’impose une nouvelle fois comme l’une des grandes voix de la littérature francophone. Lauréate du Prix Femina en 2014 pour Bain de Lune, elle est également titulaire de la chaire « Mondes Francophones » au Collège de France. En 2019, sa leçon inaugurale, Urgence(s) d’écrire, rêve(s) d’habiter, avait déjà marqué les esprits par sa profondeur et sa lucidité.
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