Dans un contexte marqué par l’insécurité et la crise humanitaire en Haïti, trois étudiants haïtiens poursuivant leurs études au Maroc et aux États-Unis ont accepté de témoigner anonymement pour Juno7.
Ils vivent à des milliers de kilomètres d’Haïti. Leurs journées sont rythmées par les cours, les examens, les projets académiques. Et pourtant, Haïti ne les quitte jamais vraiment. James, Kenley et Léonard, tous trois étudiants boursiers haïtiens à l’étranger, ont accepté de répondre aux questions de Juno7, sous couvert de l’anonymat, pour évoquer leur lien avec un pays meurtri qu’ils portent au cœur. Leurs témoignages, bruts, sensibles et sans concession, révèlent une jeunesse lucide, inquiète mais encore habitée d’une étincelle d’espoir.
Actuellement en troisième année d’un grasp au Maroc, James confie s’être volontairement éloigné de l’actualité haïtienne : « J’ai arrêté de m’informer. Il n’y a jamais de bonne nouvelle, ça devenait déprimant ». Une distance émotionnelle qu’il tente d’instaurer pour préserver sa santé mentale, alors que ses proches vivent dans une peur constante. « J’ai une sœur à Mirebalais. J’entends sa peur dans sa voix, à chaque appel vocal. »
Kenley, lui, swimsuit un cursus de premier cycle aux États-Unis. Il reste très connecté à l’info by way of les réseaux sociaux et les discussions avec sa famille. « Chaque fois que j’entends une nouvelle sur Haïti, je suis sur mes gardes. J’ai peur de ne pas pouvoir y retourner. » Même inquiétude pour Leonard, étudiant en sciences politiques, également basé aux États-Unis : « Toute ma famille est là-bas. Je garde le contact chaque jour, quand le réseau le permet. C’est ma façon de gérer l’angoisse. »
Chez les trois jeunes hommes, le spectre émotionnel est massive : rage, tristesse, honte, fierté, culpabilité. James parle d’un sentiment d’impuissance : « Je suis coupable de crimes que je n’ai pas commis. Quand je dis que je viens d’Haïti, on me regarde bizarrement. On me parle de cannibalisme, de misère. C’est humiliant. »
Pour Kenley, le poids identitaire est tout aussi fort. Il alterne entre une « fierté de descendre d’un peuple qui s’est battu pour sa liberté » et le remorse douloureux de porter ce fardeau : « Parfois, je me dis que j’aurais aimé naître ailleurs. »
Leonard, quant à lui, refuse la résignation. Son engagement professionnel dans une organisation qui travaille sur la scenario en Haïti l’amène à côtoyer des récits bouleversants : « Je suis exposé à des témoignages de victimes. Ça me hante. Ce qui me fait le plus mal, c’est la complicité passive d’un État qui laisse faire. »
En ce qui concerne le soutien psychologique, la scenario varie selon le pays et les universités. James admet n’avoir accès à aucun accompagnement spécifique. À l’inverse, Kenley souligne que son établissement est attentif au bien-être de ses étudiants. Léonard, pour sa half, salue la solidarité de ses professeurs dans les moments critiques : « Quand j’ai dû faire évacuer ma famille, ils ont été d’un soutien uncommon. »
Cependant, l’intégration reste parfois difficile. Tous rapportent des expériences où la point out de leur origine haïtienne déclenche pitié, incompréhension ou stigmatisation. « On me demande si ma famille est en sécurité, mais jamais on ne me parle des richesses culturelles d’Haïti », regrette Kenley.
À la query du retour au pays, les réponses sont nuancées. James est catégorique : « Pas tout de suite. Pourquoi venir souffrir en Haïti avec un bac+5 ? » Mais il ajoute : « Malgré tout, c’est chez moi. Là où je ne subis pas le racisme. J’y retournerai, un jour. »
Kenley aussi envisage de revenir : « Je veux accumuler de l’expérience professionnelle d’abord. Mais je ne me vois pas vieillir ailleurs. » Leonard, quant à lui, ne cache pas son attachement viscéral à la terre natale : « Vivre loin, c’est comme mourir un peu. Mon rêve est de rentrer, de servir mon pays. »
Malgré la douleur et la distance, aucun des trois étudiants ne cède au désespoir. Leur message à la jeunesse haïtienne est porteur de lucidité et de braveness. James invite à l’motion concrète : « Arrêtons d’attendre le gouvernement. Moi-même, je mène un projet au pays, même en étant à l’étranger. » Kenley appelle à prendre soin de soi, à ne pas culpabiliser, mais aussi à « faire un geste, si petit soit-il, pour Haïti ». Leonard conclut avec drive : « L’espoir, c’est de l’motion. Le pays a besoin de tous ses enfants. Transformons notre espérance en engagement. »
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